dimanche 22 février 2009

France: Controverse sur les conditions d'expulsion des étrangers

Publié le 22-02-2009    Source : Le Monde     Auteur : Gaboneco


un militant français des Droits de l’Homme, André Barthélemy, a comparu en correctionnel le 19 février dernier à Paris pour s’être interposé pendant l’expulsion du territoire français de deux ressortissants congolais. Trois mois de prison avec sursis ont été requis contre le président de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Agir ensemble pour les Droits de l’Homme pour «incitation à la rébellion», mais la défense a plaidé la dispense de peine pour cette affaire qui soulève une vive polémique au sein de la société civile française.

Les ressortissants étrangers ne sont pas les seuls à subir les dérives des services français de l’immigration, les militants français des Droits de l’Homme étant également inculpés quand ils dénoncent les conditions d’expulsions pratiquées par la Police de l’air et des frontières (PAF). 

 

André Barthélemy, âgé 72 ans et président de l’ONG Agir ensemble pour les Droits de l’Homme (AEDH), ainsi qu’un autre passager du même vol, ont comparu devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, le 19 février dernier à Paris, pour «provocation directe à la rébellion» et «entrave volontaire à la navigation ou la circulation d'un aéronef», pour s'être interposé pendant l'expulsion de deux ressortissants congolais en avril 2008.

 

André Barthélemy et plusieurs autres passagers auraient été débarqués manu militari pour avoir confronté les forces de l'ordre, les deux expulsés s'étant plaints de mauvais traitements.

La police déclare qu’il aurait crié «c'est inadmissible, une honte», «vous ne respectez pas les droits de l'homme», puis incité les passagers à la révolte, un délit passible de 5 ans de prison et 18 000 euros d'amende. Le jugement sera rendu le 19 mars.

 

Pour sa défense, monsieur Barthélemy a expliqué que son geste n'avait pas pour but d' «entraver la reconduite» d'une personne à la frontière mais uniquement d' «exprimer son indignation» face aux conditions de détention des deux ressortissants congolais.

 

Le militant des Droits de l’Homme a revendiqué un «réflexe d'indignation» et de «solidarité active» de «quelqu'un qui voit des gens souffrir». Les reconduites, dont il n'a pas contesté la «légitimité» doivent être faites «avec humanité et dans le respect des droits fondamentaux», a-t-il expliqué.

 

Le procureur a requis trois mois avec sursis, une peine relativement élevée dans ce genre d'affaire, mais la défense a plaidé la dispense de peine.

 

En décembre, le quotidien Le Monde relatait l'interpellation de trois philosophes sur le même vol Kinshasa-Paris d'Air France pour des faits similaires. Le 16 décembre, Pierre Lauret, directeur de programme au collège international de philosophie, était débarqué du vol aller manu militari pour avoir posé trop de questions au policiers de la PAF.

 

Le 22 décembre, lors du vol retour, c'est au tour de ses collègues Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusse de se voir arrêté à l’arrivée à Roissy. Monsieur Lauret doit comparaître le 4 mars prochain pour «opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d'un aéronef».

 

Pour le délit d'incitation à la rébellion, l'accusé risque au maximum deux mois de prison et 7 500 euros d'amende. Pour le chef d'accusation d'inciter à faire débarquer une escorte policière ainsi que l'étranger reconduit hors des frontières françaises, il encoure cinq ans et 18 000 euros d'amende. Ces peines maximales sont détaillées dans une notice d'information distribuée systématiquement depuis 2007 à tous passagers qui monte dans un avion servant à une expulsion.

 

Mais une telle sanction est rarement prononcée dans la pratique. La plupart des personnes reconnues coupables s'en tirent avec une condamnation avec sursis, un paiement symbolique ou simplement une relaxe.

 

Amnesty International explique que ces «réactions de solidarité ou d'indignation parmi des passagers» seraient de plus en plus communes, alors même que les chiffres réels de reconduites à la frontière seraient en baisse. Le dernier rapport du comité interministériel de contrôle de l'immigration indique que les arrêtés de reconduite à la frontière et obligation de quitter le territoire ont augmenté de 64 609 à 97 034 entre 2006 et 2007, mais les reconduites réelles ont chuté de 16 616 à 13 707 sur le même période.

 

Amnesty International met en garde que ces poursuites contre des particuliers «peuvent détourner l'attention qui devrait être portée aux actes de violences commis par des policiers», et peuvent «être utilisées pour dissuader les témoins de porter plainte» contre les policiers.

Mathieu Potte-Bonneville soutient les trois philosophes

Jérôme Prieur soutient les trois philosophes

Dany Cohn Bendit soutient les trois philosophes

Rozenn Biardeau soutient Pierre Lauret

jeudi 5 février 2009

La France gardée à vue

Le monde 4/02/09 

par Yves Bordenave, Isabelle Mandraud, Alain Salles et Laetitia Van Eeckhout

(…)

Pierre Lauret, 51 ans professeur de philosophie, fait l'expérience de la garde à vue le 16 décembre 2008. Alors qu'il embarque à bord d'un avion pour se rendre à un congrès à Kinshasa (République démocratique du Congo), il demande à des policiers la raison pour laquelle un passager africain est menotté. Les autres passagers de l'avion protestent également. M. Lauret est débarqué et placé en garde à vue : menottage, fouille au corps, audition, mise en cellule. Il doit comparaître le 4 mars devant le tribunal correctionnel pour "opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d'un aéronef".

(…)

En 2008, 577 816 personnes, résidantes en France et âgées de plus de 13 ans, ont ainsi entendu un officier de police judiciaire leur notifier leurs droits : "Vous êtes en garde à vue. Vous pouvez appeler un membre de votre famille et demander à voir un avocat." Le nombre des gardés à vue ne cesse de croître. Il a enregistré une hausse de près de 55 % en huit ans. Au cours des douze derniers mois, c'est 1 % de la population qui a été placée sous ce régime de contrainte, pour lequel les policiers répondent d'objectifs de performance chiffrés.

(...)

Dans la période récente, les militants associatifs et syndicaux, mais aussi les journalistes, ont été visés. Le 28 novembre 2008, le placement au dépôt du Palais de justice de Paris (sans pour autant être sous le statut de la garde à vue) de l'ancien directeur de Libération, Vittorio de Filippis, dans une affaire de diffamation, a provoqué un vif débat. Le 5 décembre 2007, le journaliste Guillaume Dasquié avait subi 36 heures de garde à vue au siège de la direction centrale du renseignement intérieur, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), et avait été pressé de révéler ses sources. Un article sur Al-Qaida publié dans Le Monde le 17 avril 2007 lui a valu d'être interpellé à son domicile. "(A) 8 h 20, coups de sonnette à la porte, a-t-il raconté (Le Monde du 27 décembre 2007). "Direction de la surveillance du territoire, vous êtes en garde à vue, compromission de la sécurité nationale"."

(...)

 Assiste-t-on à un excès de zèle généralisé ? Secrétaire générale de FO-Magistrats, vice-procureur au tribunal de Paris, Naïma Rudloff le déplore : "On place plus en garde à vue qu'avant, surtout pour les contentieux à la mode. On a poussé la situation jusqu'à l'absurde." Certains y voient une simple formalité qui permet aux policiers d'instaurer un cadre juridique au moment d'interroger un individu, tout en garantissant des droits à ce dernier. "Sûrement pas !", s'indigne l'avocat Matthieu Barbé.

(...)

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