Connaissez-vous le délit d'entrave à la circulation d'un aéronef ? C'est la qualification curieuse de ce qu'on reproche à un professeur de philosophie, Pierre Lauret, qui a eu l'impudence de demander pourquoi un passager "reconduit à la frontière" dans l'avion Paris-Kinshasa était menotté.
Le philosophe et ses deux collègues, qui se rendaient en RDC pour un congrès sur l'accueil des étrangers, n'ont pas émis de protestation, mais il ont, semble-t-il, contribué à l'agitation à bord (fréquente en ce genre de situation) en posant une question : c'est-à-dire en faisant simplement leur travail de philosophes. Aujourd'hui en France, poser une question sur la situation d'un passager menotté peut vous valoir des poursuites. A quand le délit de protestation en son for intérieur contre l'inhumaine politique d'expulsion gouvernementale ?
Cet "incident" s'inscrit dans un cadre répressif plus vaste qui assimile à un délit des activités qui font partie du métier d'intellectuel ou d'éducateur : c'est le cas des vaillants instituteurs du réseau "Education sans frontières" qui s'opposent à l'expulsion de leurs élèves. Ils ne font pourtant que leur métier d'éducateur, avec plus de détermination que les autres.
Dans les professions du transport aérien, la situation est un peu différente : c'est une hôtesse de l'air qui a identifié le philosophe questionneur et l'a dénoncé au commandant de bord qui l'a à son tour expulsé. Pierre Lauret n'a pas participé au colloque de Kinshasa. Dommage ! Il aurait pu faire une communication de premier ordre sur l'accueil des étrangers par Air France. Le zèle du personnel dans ce domaine est fort inquiétant. Contrairement à ce que peut penser le captain d'un avion, juridiquement maître à bord, s'indigner des conditions de vol d'un passager forcé de voyager ne constitue pas un délit.
Pierre Lauret a agi en citoyen, il a été traité en délinquant. Très loin de leur engageante publicité, les personnels d'Air France font du ciel l'endroit le plus sinistre de la terre : celui de la dénonciation, du mépris des sans-papiers, de l'indifférence à la liberté d'opinion.
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