Article paru dans l'humanité le 23 décembre 2008
Pour avoir protesté contre une expulsion, il y a une semaine, alors qu’ils prenaient l’avion, trois intellectuels français ont été placés en garde à vue.
L’histoire remonte au mardi 16 décembre. Quatre philosophes français se rendent en République démocratique du Congo pour un colloque universitaire, organisé par l’Agence universitaire de la francophonie et les facultés catholiques de Kinshasa. Thème du colloque : « La culture du dialogue, les frontières et l’accueil de l’étranger ». À bord de l’avion, les passagers découvrent un « Africain, menotté, entouré de six policiers en civil ». « L’homme était très calme, très digne », se souvient Pierre Lauret, l’un des philosophes. L’organisateur du colloque, assis à l’avant du porteur, est trop loin pour intervenir. Mais les trois autres philosophes s’interrogent. À des degrés divers, ce sont tous des militants de la cause des sans-papiers, pas du genre à rester tranquillement assis quand on expulse dans le même avion qu’eux… « On a simplement posé des questions. Ça a attiré l’attention des passagers, pratiquement tous des Africains, qui ont commencé à s’indigner, raconte Pierre Lauret. On n’a lancé aucun slogan. Le feu a pris tout seul, mais est vite retombé. Un quart d’heure après, tout le monde était assis. »
C’est alors que le commandant de bord se rend à la place de Pierre Lauret et lui ordonne de débarquer. Après le refus de celui-ci, il est embarqué manu militari par une escorte de policiers en uniformes, qui le plaquent à terre et le menottent. « J’ai été jeté dans une camionnette, le visage en sang, puis mis en garde à vue où je suis resté six heures. » Libéré à 20 heures, il est inculpé d’opposition à une mesure de reconduite à la frontière et d’entrave à la circulation d’un aéronef et convoqué au tribunal de Bobigny pour une procédure de plaider coupable le 4 mars prochain.
Et ce n’est pas tout. Hier, au retour du vol de Kinshasa, les deux autres philosophes, Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset, ont été appréhendés par la police à leur descente d’avion et placés à leur tour en garde à vue. Ils y étaient toujours hier en fin d’après-midi. Sidéré, Pierre Lauret tenait surtout à dénoncer le rôle de la compagnie aérienne : « Tout cela signifie que l’équipage a informé la police de leurs noms et de leur date de retour. Air France, en la personne du commandant de bord, les a livrés pieds et mains liés. »
M. B.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire