dimanche 29 mars 2009

Conférence-débat lundi 6 avril

La politique de l'immigration de N. Sarkozy
et les libertés publiques
Lundi 6 avril 2009 à 20h00
à l’Ecole Normale Supérieure
Salle Jules Ferry
29, rue d’Ulm 75005 Paris
avec
Eric Fassin, sociologue , ENS, département des sciences sociales
Michel Feher, philosophe, Président de l’association cette France-là
Pierre Lauret, philosophe, Collège International de Philosophie
Mathieu Potte-Bonneville, philosophe, Collège International de Philosophie

Le 16 décembre 2008, trois philosophes (Yves Cusset, Sophie Foch-Rémusat, Pierre Lauret) se rendaient à Kinshasa pour participer à un colloque de l’Agence Universitaire de la Francophonie sur « La culture du dialogue et le passage des frontières ». Pour avoir seulement posé des questions à des policiers escortant deux Africains menottés et expulsés, P. Lauret, a été débarqué de l’avion, placé en garde à vue, et inculpé d’ « opposition à une mesure de reconduite frontière » et d’ « entrave à la circulation d’un aéronef ». A leur retour Yves Cusset et Sophie Foch-Rémusat ont eux aussi été placés en garde à vue, sous l’accusation d’outrages et de menaces contre l’escorte policière.

Cette affaire pose une première question : que reste-t-il des libertés publiques lorsqu'il n'est pas permis aux citoyens de poser des questions à des policiers sur la nature de leurs actes? Plus généralement, elle s’insère dans le dispositif législatif, administratif et policier de la politique d’immigration conduite sous l’égide du Président Sarkozy. Elle est donc l’occasion d’interroger la nature de cette politique, ses intentions, la pertinence de ses arguments, et les résultats auxquels elle parvient, à partir du livre récent cette France-là*, qui en dresse un premier état des lieux annuel, et en renouvelle l’analyse. Avec E. Fassin, M. Feher et M. Potte-Bonneville, qui y ont contribué, nous examinerons deux questions. La politique d’immigration de N. Sarkozy, qui engage notre responsabilité historique, mérite-t-elle d’être soutenue ? Que révèle-t-elle de l’impact de la présidence de N. Sarkozy sur l’état de la démocratie en France ?

*Cette France là

jeudi 26 mars 2009

Le 4 avril 2009 à la rencontre des délinquants de la solidarité

Ils sont philosophes, ils sont intervenus dans un avion contre l’expulsion manu-militari de « sans papiers » par la police vers l’Afrique. Ils sont poursuivis par la justice pour « entrave à la liberté de circulation d’un aéronef ».

Ils sont jeunes, pour la plupart étudiants, certains en formation ou salariés précaires, ils habitent à Paris, rue de Sèvres en face du Bon Marché, un immeuble inoccupé depuis 11 ans et que sa richissime propriétaire veut laisser dans cet état pendant encore des années. Sur la plainte de celle-ci, la justice les a condamnés à verser « une indemnité d’occupation » dont le montant s’élève à la somme de 53 525,51 euros. Le prélèvement aurait même lieu sur les comptes de ces jeunes qui déjà galèrent, voire même sur le versement de leur bourse d’étudiant. Ils se défendent solidairement avec l’association « jeudi noir » créée pour ceux qui cherchent en vain un logement le jour de la parution du journal « particulier à particulier ». C’est un scandale que dénonce Droit au logement (Dal).

Le philosophe Pierre Lauret et les Jeunes de la rue de Sèvres,
Jean-Marc, Laurent et Rémi notamment,
sont invités à rencontrer le public
lors d’un débat organisé par les Amis de l’Humanité
le samedi 4 avril à 14 h 30 à Paris,
dans les locaux de la Bellevilloise, 19 rue Boyer (métro Gambetta).

Société des Amis de l’Humanité 164 rue Ambroise Croizat 93528 ST DENIS cedex Tél.01.49.22.74.17

La solidarité, un délit ?



Par Sylvie Speckter dans Bonjour Bobigny N°468

Plus d’un tiers des expulsions du territoire se font par avion. Voyager avec une personne expulsée peut donc arriver à n’importe qui. Que risque-t-on à ne pas rester indifférent? Comment refuser d’être forcé de se taire sans tomber sous le coup
de la loi? Convoquées au tribunal de Bobigny, deux personnes témoignent.
« C’est inadmissible,c’est une honte! Vous ne respectez pas les droits de l’homme!” André Barthélémy ne nie pas l’avoir dit. Président de l’ONG Agir ensemble pour les droits de l’homme et membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il le revendique
même. Devant la 14e chambre du TGI de Bobigny où il est cité à comparaitre pour incitation à la rébellion” et “entrave à la circulation d’un aéronef”, presqu’un an après les faits. C’était en avril 2008 à bord d’un vol Air France Paris-Brazzaville. Deux hommes escortés par huit policiers se plaignent au fond de l’appareil. Ils ont des “liens espagnols”: des scratchs aux mains et aux chevilles, reliés entre eux. La déposition d’un policier précise: “J’ai indiqué au “reconduit” qu’il ne devait pas bouger, sinon, il aurait encore plus mal…” André Barthélémy cite le rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe*:“Lorsque des passagers s’insurgent contre une expulsion, il arrive que la police interpelle, en représailles, un petit nombre de passagers. (…) Le Commissaire invite les autorités françaises à y mettre un terme sans délai.” Sursis. “Ces méthodes ont pour but d’inciter à l’indifférence: il ne faudrait jamais protester, dit André Barthélémy à la Cour, alors qu’il faut s’intéresser à cette politique migratoire qui consiste à désigner d’avance le nombre de personnes à reconduire aux frontières. Il faut s’intéresser aux conditions des expulsions et aux méthodes employées.” Le procureur avait réclamé trois mois de prison avec sursis. Le 19 mars, la cour a rendu son jugement: pas de peine de prison, mais une amende de 1500 €. André Barthélémy a
fait appel. “Il s’est passé exactement ce que je voulais: des gens se sont levés, ont exprimé leur indignation. Je ne me fais pas d’illusions, s’ils ne sont pas embarqués ce jour-là, ils le seront un autre jour, mais dans la mesure où on n’est pas d’accord avec ces méthodes, quand l’occasion se présente, il faut le manifester. Et si je suis de nouveau confronté à cette situation, je referai exactement la même chose.”
“Moralement impliqué”.
Pierre Lauret, directeur de programme au collège international de philosophie, ne dit
pas autre chose: “C’est une goutte d’eau mais franchement j’allais à un congrès sur la culture du dialogue, les frontières et l’accueil de l’étranger: il m’était moralement impossible de ne pas réagir.” C’est fait. Un sujet dont ne voulaient apparemment pas débattre les policiers d’escorte de deux personnes menottées sur un vol Paris-Kinshasa. Il est débarqué manu
militari. “L’ambiance dans l’avion était ambivalente: d’un côté il y avait de l’indignation, de la solidarité et en même temps, on avait déjà deux heures et demie de retard, la plupart des gens rentraient chez eux pour Noël. La veille, un vol avait été annulé. J’en étais à me dire que j’allais descendre de cet avion quand le commandant de bord m’a informé que j’allais être débarqué.” Ses deux collègues Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset seront appréhendés à leur retour à Paris. Convoqué pour une procédure de “plaider- coupable”, Pierre Lauret refuse de reconnaître autre chose que ce qu’il a fait et qu’il assume, mais ne correspond pas au procès-verbal de la police.
Son dossier va être repris par le Parquet. Ce qui peut déboucher
sur un classement sans suite ou un renvoi en correctionnelle.
“Ce qui est important, c’est d’avoir rendu visible l’expulsion. Je ne vais pas changer. Si je l’ai fait une fois, je n’aipas de raison de ne pas le refaire, même si je ne veux pas
non plus devenir abonné à la garde à vue de Roissy! Mais quand on est dans l’avion, si on ne dit rien, on est complice.”Cet été, Pierre Lauret doit aller voir
de la famille au Canada. S’il prend Air Canada, le voyage sera plus serein, la compagnie a cessé toute reconduite à la frontière.

*Mémorandum (p. 21) de Thomas
Hammarberg, commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe.

La loi et la liberté

Par Sylvie Spekter dans Bonjour Bobigny N°468

Vous partez en voyage. Détente, travail ou visite à la famille. Au comptoir d’embarquement de l’aéroport, la police vous tend un papier à en-tête bleu blanc rouge du ministère de l’Intérieur. “Les éléments suivants doivent être portés à votre connaissance, afin que nul n’en ignore…” La formulation est volontairement juridique car il est question de délits, d’articles du code pénal, d’amendes et de peines de prison. Cette notice n’est pas distribuée à tout le monde. Elle vous est personnellement remise pour ce vol précis: vous allez voyager avec une personne
expulsée de France. Sièges réservés…N’imaginez pas que c’est exceptionnel. “Pour 2009, l’objectif est de 26000 reconduites à la frontière”, a déclaré début janvier Éric Besson, nouveau ministre
de l’Immigration. “Un tiers des expulsions se font par Air- France,explique Gilles Reboul, steward et militant CGT. Et on peut y être confronté même sur des lignes intérieures comme un Bordeaux-Paris qui amène les gens vers les aéroports d’où partent plus de vols longs courriers…
Sur certaines destinations, on réserve quasi systématiquement
des sièges pour les expulsions. Ça évite d’avoir à en refuser un à un passager qui a payé son voyage, pour faire de la place à la personne
expulsée et aux deux policiers de l’escorte. La police a un droit de réquisition de siège jusqu’à une heure avant le décollage, et souvent le groupe arrive à la dernière minute pour éviter que
les associations ne soient au courant et tentent d’arrêter l’expulsion.”
Moyennant quoi la République, c’est-à-dire les contribuables, paie plein pot:
“Le coût budgétaire des reconduites à la frontière s’établirait à environ 20970 euros par personne reconduite”, détaille un rapport du Sénat*. Au fond de l’avion. Une fois dans l’avion, vous ne vous apercevrez peut-être de rien.
Le groupe a embarqué avanttous les autres passagers, il estgénéralement au fond de
l’avion, et les policiers sont encivil. Mais il est aussi possibleque cela se passe mal. C’est de plus en plus fréquent. “Surtoutdepuis deux ans, indique FrançoisHamant, vice-président du syndicat de pilotes Alter. Onpeut facilement dire qu’il y a aumoins un “incident” par mois. Nous demandons régulièrementles chiffres à l’entreprise(Air France-KLM)qui refuse de les donner. Pourtant,
chaque problème– quel qu’il soit –fait obligatoirementl’objet d’un RDS (Rapport de sûreté) par le commandant de bord.” Les 12élus (CFDT, CGT, FO et CGC) du comité central du groupe Air France KLM ont tenté en 2007de toucher les actionnaires d’Air France là où cela fait mal:aux dividendes, en argumentantsur l’impact commercial négatif. Ils leur ont demandé dans une motion“de se prononcer
pour l’arrêt de l’utilisationdes avions du groupe pourles expulsions d’étrangers qui
nuisent à l’image de la compagnie.”Sans succès.
Et les passagers. Côté passagers,les réactions solidairesprennent différentes formes.Il arrive qu’ils se cotisent pour remettre de l’argent à la personne
expulsée, qui peut être arrêtée à n’importe quel moment. Comme on peut le lire
dans ce jugement d’une cour d’appel: “M. O. a été interpellé le 4 mars à 7h45 alors qu’il vaquait à son travail, porteur d’un balai et d’un seau bleu, dès lors en tenue de travail. C’est dans cet état qu’il a été conduit au CRA (centre de rétention administratif) avec son matériel de travail, puis, sans attendre qu’il soit statué sur la présente procédure d’appel, “expédié” dans cette tenue, sans avoir pu sefaire remettre ses effets personnels et sans argent, sur Alger alors que sa famille réside
à Constantine…”Des histoires comme celles-là, on peut en lire tous les jours sur le site de la Cimade. Que risque-t-on à s’inquiéter de quelqu’un qui, ayant passé plusieurs jours en centre de rétention sans savoir ce qui se passe, sans pouvoir dire au revoir aux siens, ni parler à un avocat, “craque”, pleure, se plaint? Qu’en coûte-t-il de refuser d’être forcé de se taire quand on est témoin de mauvais traitements que les policiers appellent “gestes techniques”?
Le pilote aux commandes.Ce qu’il faut savoir, c’est que dans un avion, le seul maître à bord est le pilote. “Et on le rappelle même aux policiers, ajoute François Hamant, quand ils insistent
pour que le “transfert” ait lieu.” Eh oui, parce qu’en plus de faire une croix supplémentaire dans la case “reconduites à la frontière” des tableaux du ministère, les policiers d’escorte bénéficient de miles pour ces parcours, ce qui leur permet de voyager personnellement moins cher… “C’est le commandant de bord qui juge de la situation et peut décider de faire débarquer un passager si les conditions de sécurité ne sont pas remplies pour le vol. D’ailleurs, aucune procédure n’a jamais été enclenchée contre un commandant de bord”, précise François Hamant. Ensuite, comme sur tout le territoire, le droit pénal s’applique aussi dans un avion. Au vrai, les peines sont rarement prononcées. Et le plus souvent, les convocations au tribunal se soldent par une relaxe, une dispense de peine ou une amende symbolique. Car, au nom de la liberté d’expression, on a encore le droit en France d’exprimer verbalement son opposition à une expulsion, et en tout cas son indignation
face au non-respect des droits de l’homme.

*Rapport du sénateur (UMP) des
Hautes-Alpes Pierre Bernard

mercredi 25 mars 2009

Sans-papiers: 5500 "aidants" vont se constituer prisonniers le 8 avril

Viva le 25/03/09
par Maîté Pinero

Le mercredi 8 avril 2009, à 10 heures, 5 500 personnes, se présenteront devant les palais de Justice de Paris, Lille, Marseille, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes et ailleurs en France, pour affirmer avoir, un jour, aidé un homme ou une femme sans‐papiers en difficulté.
A l’appel de nombreuses associations (Emmaüs France, RESF, Fédération de l’Entraide Protestante, du Secours Catholique, de la Cimade, du Comede, du Gisti, de la Fasti, de l’Uniopss...) ils vont dénoncer la criminalisation de la solidarité en mettant le gouvernement au défi : « Nous sommes 5 500 citoyens décidés à rester des aidants ! Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit ! »
Incroyable : des objectifs d’interpellation prévus d’avance !
Ce nombre de 5 500 ne doit rien au hasard. Dans l’annexe « immigration et asile » de la loi de Finances pour 2009, « le nombre d’interpellations d’aidants » les sans-papiers prévu par le gouvernement est stipulé : 5 000 en 2009, 5 500 en 2011. On apprend dans le même document qu’il y a eu 4 365 interpellations d’aidants en 2006 et 4 504 l’année suivante. Les quotas s’appliquent à tous : aux sans papiers expulsés et aux personnes solidaires qui leur viennent en aide.
En effet, en France, c’est désormais un délit d’accueillir, d’accompagner, ou seulement d’aider une personne en situation irrégulière. Interpellés les « aidants » tombent sous le coup de l’article 6.222-1 du Code relatif à l’entrée, au séjour et au droit d’asile, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros l’aide à l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers. Et les affaires se succèdent. En décembre, quatre philosophes français se rendant au Gabon pour un colloque sur « la culture du dialogue, les frontières et l’accueil de l’étranger » aperçoivent au fond de l’avion un homme « très digne » mais menotté et entouré par six policiers. Ils posent des questions, attirant l’attention d’autres passagers, des Africains qui s’indignent. Pierre Lauret l’un des philosophes est débarqué de l’avion, placé pendant six heures en garde à vue. A leur retour les autres philosophes, Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset, sont eux aussi appréhendés et mis en garde à vue.
Flagrant délit de solidarité à Calais
Le 18 février 2009, à 7 h 45 du matin, la police frappe à la porte de Monique Pouille, 59 ans, bénévole aux Restos du coeur et à l’association Terre d’errance. Depuis deux ans et demi, cette femme organise les dons de nourriture et d’habits pour les migrants qui errent autour de Calais dans l’espoir de passer en Angleterre. Elle recharge aussi leurs portables. Ce que les policiers qualifient de « flagrant délit d’aide aux personnes en situation irrégulière".
Opération policière chez Emmaüs
L’interpellation le 16 février 2009 d’Hamid, un sans‐papier accueilli par la communauté Emmaüs de Marseille Pointe‐Rouge, s’est transformée le 17 février 2009, en opération policière dans cette communauté. Ainsi, sur décision du parquet de Marseille une perquisition a eu lieu dans la dite communauté Emmaüs aux fins de recenser la présence d’éventuels compagnons sans papiers. Dans le même cadre, Kamel un responsable de la communauté a été mis en garde à vue pendant 6 heures le 17 février.
Protester coûte 1 500 euros
D’autres aidants ont déjà été condamnés et mis à l’amende/ c’est le cas de André Barthélemy, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et président de l’ONG lyonnaise Agir ensemble pour les droits de l’homme ( AEG). Ce responsable que les magistrats ont déclaré coupable de « provocation directe à la rébellion »reconnu a été condamné le 19 mars à 1 500 euros d’amende pour avoir protesté contre l’expulsion de deux sans papiers à bord d’un vol d’Air France Paris-Brazzaville, en avril 2008.

Garde à vue : à bas l'abus ! (2/2)

L'émission "là bas si j'y suis" du mercredi 25 mars 2009

Les témoignages d'Yves Cusset et Pierre Lauret (15h33-15h43)

samedi 21 mars 2009

Les sans papiers sont l'avenir du syndicalisme

Par Sophie Foch-Rémusat "24 heures philo"

Ces derniers temps, il est beaucoup question de retour au protectionnisme et du spectre du nationalisme qu’une sagesse économique avait réussi à faire rentrer sous terre et que la crise semble avoir réveillé. Le président français presse les entreprises d’investir prioritairement en France, le gouvernement espagnol appelle les Espagnols à acheter espagnol et le Premier ministre britannique a parlé de réserver aux travailleurs britanniques les emplois britanniques. A propos des manifestations récentes de Saythorpe et de l’extension de la raffinerie Total à Lyndsey, les syndicats se divisent, l’espagnol UGT et l’italien CGT protestent contre l’anglais UNITE. C’est triste et inquiétant.
A Paris, des sans-papiers occupent la bourse du travail en prétendant forcer la CGT pourtant amie, à mieux défendre leurs intérêts de travailleurs isolés, créant de ce fait une situation confuse et tendue. C’est préoccupant. Pourtant aussi encombrants et indisciplinés soient-ils, ces sans-papiers n'offrent-ils pas une planche de salut en obligeant à plus d’ouverture ?
Plus généralement, est-ce que la crise n’offre pas une chance de redistribuer les cartes politiques en mettant fin aux conséquences pernicieuses car déboussolantes d’une tartufferie, d’un hold-up sémantique par lequel la droite en devenant «libérale» avait réussi à se faire passer pour la meilleure amie de la liberté ? Bas les masques, les électeurs de Sarkozy en sont pour leurs frais : ils voulaient du libéralisme, ils ont récolté le gouvernement le plus autoritaire depuis de Gaulle. La droite reprend sa place en retrouvant la logique de l’ordre et du contrôle. Cela libère la gauche, lui offre des occasions de se reprendre qu’il est urgent de saisir notamment dans la perspective des élections européennes. Pour mettre en perspective la question de la libre circulation des travailleurs dans une Europe ouverte on pourrait donc revenir sur la question cruciale des sans-papiers. Leur combat est d’avant-garde.
L’appellation «sans-papiers» n’est pas anodine. Comme le fait remarquer Damien Lecarpentier, elle est forte, politique, c’est tout un programme : elle ne décrit pas une situation (comme le ferait l’expression «en situation irrégulière» par exemple) mais affirme une privation (de droit de séjour et de travail) et par là indique la voie d’une libération. Lecarpentier suggère d’ailleurs le rapprochement entre «sans-papiers» et «sans terre». Le mouvement des paysans sans terre au Brésil est né d’une préoccupation : il apparaissait en effet impossible de rendre l’abolition de l’esclavage vraiment effective sans une réforme agraire qui réaffirme le droit de propriété en limitant la confiscation de la terre par les grands latifundiaires. Les anciens esclaves ne pouvaient survivre sans avoir de terre pourtant ils ne pouvaient pas non plus en acquérir, ni par héritage bien sûr, ni par échange marchand puisqu’ils n’avaient pas d’économies d’une part et que d’autre part les prix étaient élevés. («Bilan sur la question de la terre, un entretien avec Tomas Balduino»).
Dans un esprit voisin, les sans-papiers contribuent à inscrire un droit à la vie au cœur de la dernière génération des droits de l’homme qui prend enfin en considération les droits économiques et sociaux. Si les sans-papiers sont persécutés, pourchassés, jugés, expulsés, enfermés parfois dans des conditions indignes (rapports Migreurop) c’est que, de la même manière que les paysans sans terre s’installent et occupent des terres sans y avoir été au préalable autorisés, ils prennent la liberté pour eux vitale, de migrer, s’installer et travailler. On veut nous faire croire que c’est un mal. Pourtant la liberté ne s’hérite ni ne s’achète, il faut se l’approprier. Sans terre et sans-papiers par leur action nous obligent donc à renouer avec la propriété dont la vraie nature est la jouissance et dont la discrétion est la loi. Qui, comme la connaissance est douteuse (critique) autrement dit ne se justifie que de procéder d’un inappropriable qui la fonde (en ce sens on dit avec esprit que la propriété est le vol).
Les sans-papiers interrogent et redécouvrent ce qu’il y a de propre dans la propriété. C’est probablement ce qui inquiète en eux. Pourtant ils ne font que mettre en doute l’idée commode mais fausse, selon laquelle le travail serait quelque chose que l’on pourrait échanger. Ce qui suppose, comme l’a montré Marx, une immense indifférence. Que le travail de chacun soit artificiellement rendu équivalent au travail de n’importe lequel autre, du coup ne vaille plus rien et qu’on ne raisonne plus qu’en termes de quantités de travail. Le jeu de l’exploitation capitaliste veut croire et faire croire, pour dégager la plus-value qui gonfle le capital, que dans un monde envahi et dominé par un régime de propriété illimitée, le travail n’est plus qu’une simple marchandise. Il y a là un abus. Celui qui est devenu pauvre pense n’avoir plus rien. Le capitaliste le trompe en lui faisant croire qu’il possède toujours sa force de travail qu’il n’a qu’à lui vendre. C’est une manière de spéculer sur la liberté en la dérégulant, d’en finir avec la puissance de la pensée et l’extraordinaire complexité de l’avoir qui fonde notre pensée des possibles.
Qu’est-ce en effet qu’avoir dès lors que, s’il est impossible d’avoir tout, en revanche on peut avoir même rien : «avoir une privation», au sens d’avoir un pouvoir, d’être libre, puissant ? Par exemple si je suis musicien accompli j’ai le pouvoir de ne pas jouer, en plus de celui de jouer. Cette possibilité existe vraiment : celui qui ne sait pas jouer ne peut pas ne pas jouer. Peut-être qu’un Mozart sommeille en tout enfant, il n’empêche que ce n’est pas dans le même sens qu’on dit que n’importe quel enfant peut devenir musicien et que tel musicien accompli, actuellement au repos, peut jouer de la musique. Car dans le cas de l’enfant, le devenir suppose une altération, un changement d’être, à la faveur par exemple d’une éducation, mais c’est sans subir aucune altération que le musicien pourra jouer quand il aura fini de se reposer. Donc la possibilité qu’il joue existe plus et mieux qu’une simple possibilité générale, abstraite.
Toute une métaphysique procède de cette extraordinaire pensée de la propriété, pleine de paradoxes, qui fonde aussi notre pensée de la justice - car si je n’ai rien (comme le dernier fils du meunier de la fable du chat botté qui ayant été désavantagé au moment de l’héritage, se lamente de n’avoir eu qu’un pauvre chat) j’ai au moins la liberté (l’imagination, l’intelligence, la parole) - c'est à dire le pouvoir. Mais il faut bien comprendre que de «si tu n’as rien au moins tu es libre», qui est le principe même de la démocratie, à «si tu n’as rien tu es serf», il y a une infinie différence dont pourtant l’esprit du capitalisme n’aura cessé de se moquer.
Avec le travail et la liberté, les sans-papiers, eux, ne jouent pas, hors cadre et hors contrôle. Ils montrent ce que la mondialisation porte de libérateur. En prenant des risques inouïs, avec un sérieux admirable, ils perturbent l’espace «idéal» du marché du travail soudain saisi par le temps et débordé par l’urgence de vivre. Cela fait beaucoup d’histoires d’être sans papiers. Des milliers de tragédies qui se croisent, mais ne se confondent jamais, profondes, pleines de secrets. Chaque trajectoire est singulière. L’existence des travailleurs sans papiers est un démenti flagrant à la fiction du travail comme marchandise qu’on échangerait dans le pur espace fictif et contrôlé du marché. Si un travailleur sans-papiers existe, alors ce n’est ni sur un marché ni dans aucun espace (toujours construit, réel et faux à la fois), mais vraiment dans le monde qui est à la fois un seul, comme l’a justement dit Badiou, donc commun et pluriel - et singulier.
C’est pourquoi le président Sarkozy fait de l’immigration son cheval de bataille. Il défend le marché en défendant aux hommes de commercer librement. Mais le commerce est aussi humain, nécessaire, vital et libre que le marché est inhumain, superflu et mortellement contraignant. Commercer c’est faire circuler les biens autour de la terre - non qu’ils soient indifférents et interchangeables mais justement parce qu’ils sont uniques, précieux, irremplaçables. Parmi ces biens, il faut évidemment compter au premier rang les trésors de talents des hommes et des femmes. Seules les marchandises auraient le droit d’être libres, parce qu’elles ne sont rien.
Aujourd’hui contrôler le marché du travail c’est assurer la pérennité de cette fiction, c’est-à-dire d’un système de production et d’exploitation qui est peut-être en train de craquer de l’intérieur et discrètement. D’un système qui comme Marx l’a montré, repose uniquement sur la construction d’un mythe et d’une espèce de fausse religion. Sur une cauchemardesque substitution au monde réel d’un espace fictif dans lequel les tables ne sont plus des meubles utiles pour écrire ou partager un repas, mais s’animent, se mettent à danser sur leurs quatre pieds de marchandises, des espèces de choses en soi automatiques qui semblent douées d’une vie propre, dans un monde hyper réaliste et menteur de fétiches et de superstitions, où plus rien n’existe vraiment, mais où tout s’échange dans une féroce indifférence universelle.
La question qui se pose aujourd’hui est celle-ci : est-ce que les forces de gauche, est-ce que les syndicats vont saisir l’occasion de prendre un peu d’avance ou est-ce qu’ils vont se contenter de disputer au patronat le pouvoir de contrôler le marché du travail en acceptant dès lors, de fait, de compter le travail pour une marchandise ? Si on cède sur ce point théorique, en acceptant la fermeture et le contrôle du marché du travail, quelle que soit la contrepartie, on aura conclu un pacte avec le diable et un marché de dupes. Car on aura au bout du compte condamné la possibilité du dialogue social.
Un dialogue en effet n’est pas une simple discussion, ni non plus un débat. Il n’est pas un moyen de régler à l’amiable ou du moins pacifiquement, des litiges. Pour avoir un litige, il faut être égaux, parler de la même chose dans la même langue. Mais les conflits sociaux sont, comme l’affirmait Lyotard, des «différends». Syndicats et patronat ne parlent pas de la même chose, ils ne peuvent jamais s’entendre. Cela non seulement n’interdit pas, mais exige le dialogue entre eux. Les uns raisonnent en termes de contrats, de marché, de marchandises et autres fictions rationnelles. Les autres rappellent qu’en réalité, il existe des hommes et des femmes vivants.
Être de gauche c’est avant tout avoir le sens de l’économique et du social. En politique il n’y a pas que des débats, des raisons et des idées, avant tout il y a des faits et des rapports sociaux. Si la politique suppose et commence par créer le cadre de l’égalité, en réalité il n’y a d’égalité que de manière fragile, discontinue, dans les luttes, les silences, les suspens, les césures, les failles et les faillites de tous les discours. Aucune politique ne met fin d’un coup aux inégalités.
Le dialogue social prend le relais des discussions politiques parce que le dialogue est l’étrange manière de ne pas communiquer de ceux qui ne parlent ni de la même chose ni la même langue. Une espèce de communication impossible entre étrangers dont l’un des deux, le plus fort, appelle nécessairement l’autre un « barbare » : celui qui n’a pas la parole. Le dialogue suppose donc qu’il reste quelque chose de toutes les discussions et de tous les débats, quelque chose d’essentiel et qu’on ne peut pas oublier, qui se tient là obstinément au milieu comme le rappel d’une dette archaïque à laquelle on ne saurait se soustraire sans renoncer à la justice. En ce sens les sans-papiers sont l’avenir du syndicalisme et plus généralement du mouvement social.

vendredi 20 mars 2009

Migrations et politique

Chaque époque doit réinventer ses formulations du problème de la justice et des injustices et ses moyens, y compris théoriques, de lutte.

 La question classique des libertés publiques nous importe, car sans elles on ne peut faire vivre la démocratie en acte, dans des situations comme celle à quoi nous avons été confrontés. Si poser des questions à des policiers est un délit, alors on n’a plus le droit de faire voir, par la seule force de la parole, une situation d’oppression, et de la proposer au regard et au débat publics.

Pour autant, nous n’oublions pas ce qui est à l’origine de notre acte commun : une situation bien précise d’expulsion d’étrangers résidents sans titre de séjour, avec toutes les questions qu’elle enveloppe sur les migrations et les frontières, la justice, les droits.

Pour cette raison nous ouvrons sur notre site une rubrique Migrations et politique, destinée à la publication de papiers théoriques  - et autres œuvres, pourquoi pas ? -pour les sans papiers, qui aborde toutes ces questions.

Il est urgent de travailler à découvrir ce qui lie la lutte des sans papiers aux autres - à d’autres – lesquelles ?  Découvrir aussi ce que la solidarité avec les sans papiers suppose de remises en questions et de changement. Il faut faire exister dans le vocabulaire et la syntaxe de la philosophie politique et morale les souffrances des sans papiers, les injustices dont ils sont victimes : leur trouver des noms qui leur permettront d’être mieux reconnues.

Le problème est non seulement européen mais mondial  - la France n’est pas loin s’en faut le seul pays qui expulse et l’Europe n’est pas la seule destination d’immigration illégale. On a changé d’échelle et de format ce qui suppose que le lieu de la protestation et de l’action n’est plus le même, il doit aussi être mondial. C’est pourquoi internet est aujourd’hui un lieu important pour le partage de la réflexion, de l’expérience et de l’action. 


Yves Cusset, Sophie Foch-Rémusat, Pierre Lauret


mercredi 11 mars 2009

Immigration. Délinquants de la solidarité

L'humanité du 11 mars 2009

Immigration . Avocats, philosophes, militants… En pleine polémique sur le film Welcome, l’Humanité donne la parole à ces citoyens coupables d’être venus en aide aux migrants.
Avec son film Welcome, dans lequel Vincent Lindon prend le risque d’aider un jeune réfugié kurde, le réalisateur Philippe Lioret remet sur le devant de la scène le « délit de solidarité » (lire aussi en page 22 la critique de Jean Roy). Cet article L 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) rend passible de cinq ans de prison et de 30 000 euros d’amende toute personne aidant à « l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers ». Éric Besson, ministre de l’Immigration, n’hésite pas à affirmer sur les plateaux de télévision (1) : « La loi existe pour traquer les passeurs et les filières clandestines et c’est à ça qu’elle sert. La preuve, c’est que des particuliers n’ont pas été mis en cause. » Ceux à qui nous donnons la parole ne sont ni des « passeurs » ni des « filières clandestines ». Avocats, philosophes, professeurs, retraités, simples citoyens ou militants engagés… ces particuliers sont poursuivis pour avoir donné un peu de chaleur humaine aux migrants de Calais, s’être indignés d’une expulsion brutale dans un avion, ou simplement pour avoir exercé leur métier.

« Nous avons juste posé des questions »
Yves Cusset, trente-sept ans, professeur de philosophie, auteur et comédien.
Sous le coup d’une enquête préliminaire pour outrage, menace à agent de la force publique et opposition à une mesure de reconduite à la frontière. Risque cinq ans d’emprisonnement et 18 000 euros d’amende.
« Le 16 décembre, avec Sophie Foch-Rémusat et Pierre Lauret, nous nous rendions à Kinshasa pour un colloque universitaire sur "la culture du dialogue et le passage des frontières". Nous avons protesté contre l’expulsion de deux hommes et une femme à l’arrière de l’avion. Pierre Lauret a été débarqué. Une semaine plus tard, de retour de RDC, nous avons été cueillis à la sortie de l’avion et placés en garde à vue pendant onze heures. Pour le moment, nous ne savons pas s’il y aura un procès, cela permettrait d’ouvrir un espace de discussion publique sur les expulsions des sans-papiers. Ces poursuites sont totalement ubuesques, nous n’avons jamais outragé ou menacé personne. Nous avons simplement posé des questions… »

« Violenté et traîné sur le sol par les CRS »
Jean-Claude Lenoir, cinquante-sept ans, professeur de technologie au collège et vice-président de l’association Salam à Calais.
Jugé en 2004 pour « aide à personne en situation irrégulière », dispensé de peine. Accusé d’outrage à CRS pour la deuxième fois, il comparait le 18 mars devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer.
« Nous sommes harcelés parce que nous dénonçons ostensiblement ce qui se passe sur Calais. Tous les jours, les migrants, y compris les femmes enceintes et les enfants, subissent des gazages systématiques de bombes lacrymogènes. Il y a même des arrestations pendant les distributions de repas, c’est inimaginable. En 2004, contrairement à ce que dit le ministre, j’ai été condamné, mais dispensé de peine. J’ai quand même été mis en examen pendant un an et demi, on m’a retiré ma carte d’identité et j’ai dû payer les frais d’avocat. Je repasse devant la justice dans quelques jours pour outrage à CRS alors que j’ai toutes les preuves en images que les CRS m’ont violenté, traîné sur le sol et déshabillé. Ils ne peuvent rien nous reprocher, donc ils inventent… »

« Débarqué pour avoir protesté dans un avion »
André Barthélemy, soixante-douze ans, président d’Agir ensemble pour les droits de l’homme.
Risque quatre mois de prison et 7 500 euros d’amende pour « provocation directe à la rébellion » ainsi que cinq ans de prison et 18 000 euros d’amende pour « entrave à la circulation d’un aéronef ».
« Le 16 avril, dans un avion pour Brazzaville, je me suis retrouvé avec deux Africains menottés et entourés de six policiers, qui criaient pour qu’on arrête de leur faire mal. J’ai interpellé les autres passagers, qui ont protesté. Le commandant de bord a annoncé qu’il ne décollerait pas et l’escorte et les expulsés sont descendus. De mon côté, j’ai été débarqué et mis en garde à vue pendant dix heures. Cité à comparaître le 19 février devant le tribunal de Bobigny, mon avocat a demandé la dispense de peine, le procureur a requis trois mois de prison avec sursis. Les pouvoirs publics poussent à l’indifférence, voire à la délation. C’est profondément antidémocratique. Sans hurler à la dictature, je dirais simplement qu’un vent mauvais souffle sur les libertés. »

« Poursuivie pour une simple plaidoirie »
Cynthia Galli, cinquante et un ans, avocate
au barreau de Nîmes.
Est l’objet d’une plainte disciplinaire et d’une enquête pénale à la requête du préfet de Lyon.
« Je ne suis pas militante, mais simplement une avocate qui défend un client. Je suis de permanence (l’équivalent du commis d’office - NDLR) pour défendre les étrangers retenus au Centre de rétention de Nîmes. Le préfet me reproche d’avoir fait un rappel historique lors d’une audience. Il s’agissait d’une personne dénoncée par appel anonyme. Ce procédé m’avait extrêmement choquée, j’avais donc parlé de la Seconde Guerre mondiale. Cette plainte contre moi est choquante. L’exercice de la profession est atteint dans ce qu’il a de plus noble. On s’attaque aux garanties de la représentation de la défense. Les propos de l’avocat sont garantis par la liberté d’expression. Le Syndicat des avocats de France et l’Union des jeunes avocats exigent l’arrêt immédiat des poursuites. »

« J’ai rechargé des téléphones portables »
Monique Pouille, cinquante-neuf ans, militante de l’association Terre d’errance à Norrent-Fontes (Nord-Pas-de-Calais).
A subi dix heures de garde à vue pour aide à personne en situation irrégulière.
« Ils sont venus m’arrêter chez moi le 25 février au matin sur commission rogatoire du procureur de la République de Béthune. J’ai passé dix heures en garde à vue pour avoir rechargé les téléphones portables des migrants. Je ne sais pas s’il y aura des suites judiciaires. Ça fait deux ans que je viens en aide aux migrants, j’ai des enfants de cet âge-là. Quand je les vois passer sur le trottoir devant chez moi, trempés, je ne peux pas faire autrement que de les aider. J’ai été traitée comme une criminelle, je l’ai très mal vécu. Mon téléphone était sur écoute depuis des mois. Ce matin, j’ai reçu une lettre de soutien d’Angleterre de 140 migrants. Ils me disent qu’ils sont sauvés et qu’ils espèrent que je vais pouvoir continuer à aider leurs frères. »
(1) Ce soir ou jamais, sur France 3 le 2 mars 2009.

jeudi 5 mars 2009

COMITE DE SOUTIEN DE YVES CUSSET, SOPHIE FOCH-REMUSAT, PIERRE LAURET

Pour la liberté d’expression et parce qu’il est légitime de dire ce qu’on pense devant l’inacceptable ;

Pour la poursuite des échanges intellectuels et universitaires entre pays francophones malgré une politique d’immigration qui a de plus en plus de mal à dissimuler sa profonde xénophobie ;

Solidaires avec tous les « sans papiers » injustement pourchassés emprisonnés et expulsés ;

Nous soutenons Yves Cusset, Sophie Foch-Rémusat et Pierre Lauret, les trois professeurs de philosophie qui se rendaient le 16 décembre 2008 à Kinshasa (République Démocratique du Congo) afin d’y participer à un colloque universitaire sur « La culture du dialogue et le passage des frontières ».  Pour avoir pacifiquement témoigné et discuté avec d’autres passagers de l’injustice des conditions de l’expulsion de trois « sans papiers » dans l’avion qui les y conduisait, Pierre Lauret a d’abord été  violemment débarqué de l’avion par la police ; puis à leur retour le 22 décembre, Yves Cusset et Sophie Foch-Rémusat ont été arrêtés. Tous trois ont été placés en garde à vue. Pierre Lauret est convoqué le 4 mars au Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour comparaître devant un procureur. Yves Cusset et Sophie Foch-Rémusat feraient l’objet d’une enquête préliminaire.

Nous protestons contre ces arrestations et ces gardes à vue arbitraires.

Nous dénonçons l’atteinte aux libertés publiques que représente l’assimilation du simple fait de poser des questions à la police à un véritable délit d’opinion. Nous demandons que l’action pacifique des trois philosophes ne fasse l’objet d’aucune sanction judiciaire. 

SIGNEZ LA PETITION EN CLIQUANT ICI


Premiers signataires

 

 

Miguel Abensour (Philosophe) 

Eliane Assassi (sénatrice de la Seine-Saint-Denis, responsable « Migrations, droits des migrants » au PCF)

Rozenn Biardeau (comédienne, présidente de la Générale Nord-Est)

Patrick Bloche (député de Paris, Maire du 11e arrondissement de Paris)

Laurent Cantet (cinéaste)

Daniel Cohn-Bendit (député européen, co-président du groupe Verts au Parlement européen)

Alexis Corbière (Conseiller de Paris, Premier adjoint au Maire du 12°, Parti de Gauche)

Carmen Castillo (cinéaste)

Anzoumane Sissoko (porte parole de la coordination 75 des sans papiers)

Michel Deguy (écrivain)

Stéphane Douailler (philosophe, Professeur des Universités, Université Paris-8)

Robert Guédiguian (cinéaste)

Mohammed Harbi (historien)

Matthias Langhoff (metteur en scène)

Thierry Laprévote (Uni(e)s Contre une Immigration Jetable 19°-20° - Quartiers Solidaires Belleville)

Denis Lavant (comédien)

Razerka Ben Sadia Lavant (metteuse en scène)

Claude Mouriéras (cinéaste)

Dominique Noguères (avocate, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme)

Nicolas Philibert (cinéaste)

Mathieu Potte-Bonneville (philosophe, Collège International de Philosophie)

Jérôme Prieur (écrivain, cinéaste)

Claude Regy (metteur en scène)

Sophie Wahnich (historienne, chargée de recherches au CNRS)

Brigitte Wieser (Réseau Education Sans Frontières – RESF)

Pierre Zaoui (philosophe, Collège International de Philosophie)

 


Réunion du comité de soutien le 6 mars

Le comité de soutien aux philosophes 
Sophie Foch-Rémusat, Yves Cusset et Pierre Lauret
se réunira 
le vendredi 6 mars 2009 à 20h00 
au siège de la Ligue des Droits de l'Homme
138, rue Marcadet 75018

mercredi 4 mars 2009

La comparution de Pierre Lauret au Tribunal de Grande Instance de Bobigny, mercredi 4 mars, ou le « plaider coupable » version française.

Ce matin 4 mars, j’ai été entendu par une représentante du parquet de Bobigny dans le cadre d’une procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC). Je ne me suis pas reconnu coupable des faits qu’on m’imputait.   

Le 16 décembre dernier, lors de ma seconde audition par la police, j’avais reconnu avoir posé des questions aux policiers escortant des sans papiers expulsés et menottés ; n’avoir pas obéi immédiatement à l’ordre de regagner ma place ; et avoir insisté jusqu’à obtenir une réponse. J’avais nié avoir appelé les passagers à faire quoi que ce soit, considérant ceux-ci comme libres d’agir selon leur volonté face à la situation. Quand à mon débarquement musclé par la police, mon hypothèse est qu’il était motivé par la crainte que l’agitation ne reprenne dans l’avion, car des passagers commençaient à protester et à me défendre, alors que je rangeais mes affaires pour suivre les policiers.

Au terme de cette déposition, un officier de police judiciaire m’a délivré une convocation pour une CRPC, sans m’expliquer la nature de la procédure. J’ai donc signé en toute bonne foi cette convocation. Ce n’était peut-être pas une bonne idée. En effet, mon dossier contient désormais une plainte du commandant de bord prétendant que j’ai harangué les passagers pour les appeler à s’opposer à l’expulsion, et un rapport de la police qui donne une version un peu confuse de mon débarquement, justifiant l’emploi de la force.

J’ai découvert le 4 mars que la procédure de CRPC supposait comme préalable à toute discussion la reconnaissance des chefs d’inculpation (opposition à une mesure de reconduite frontière, et entrave à la circulation d’un aéronef), et du récit des faits par le commandant de bord et par la police. Cela, avant qu’une peine soit proposée. En somme, après avoir reconnu de bonne foi les actes que j’avais commis publiquement devant une cinquantaine de passagers, je me suis vu demander par la justice de reconnaître tout autre chose ! Et cela, sans la moindre possibilité de discussion, encore moins de citations de témoins. Sur mon insistance et celle de mon avocate Maître Dominique Noguères, la représentante du parquet a accepté d’ entendre ma contestation de certains des faits qui m’étaient reprochés, qui m’empêchait de reconnaître ma culpabilité dans la version qui m’était présentée.

  Au terme d’un entretien de cinq minutes, elle a déclaré qu’elle allait reprendre le dossier et lui donner la suite jugée opportune. A suivre, donc…

 

Morale de l’histoire : la CRPC est une procédure qui convient peut-être à des délits comme la conduite en état d’ivresse, mais absolument pas à des affaires un peu complexes, impliquant de nombreuses personnes, et entraînant des dépositions contradictoires. Elle ne ressemble pas au « plaider coupable » des films américains, qui au moins propose une alternative claire : reconnaître des faits en échange d’une réduction de peine, ou maintenir sa version des faits coûte que coûte. Enfin, pour avoir signé une déposition puis une simple convocation, je me suis retrouvé ensuite sommé de reconnaître ma culpabilité sur la base d’un rapport de police et de plaintes d’Air France dont je n’avais évidemment pas connaissance quand j’ai signé. Si l’affaire va en correctionnelle, le délai entre le procès et les faits sera accru, les témoins plus difficiles à mobiliser, les souvenirs moins exacts. 

A bon entendeur salut.

 

Pierre Lauret

 

Il avait réagi à une expulsion: la convocation en justice d'un philosophe tourne court

BOBIGNY (AFP) — Un professeur de philosophie qui s'était indigné en décembre des reconduites de plusieurs étrangers à bord d'un vol Paris-Kinshasa a été convoqué mercredi devant un procureur de Bobigny mais la procédure de plaider-coupable a tourné court, selon des sources concordantes.

Pierre Lauret, directeur de programme au collège international de philosophie, était convoqué pour "entrave à la circulation d'un aéronef" et "opposition à une mesure de reconduite à la frontière"

Selon une source judiciaire, il "a refusé la proposition" de procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC, dite plaider-coupable) du procureur et le juge présidant mercredi l'audience n'a pas été saisi. Le parquet "décidera ultérieurement des suites à donner au dossier", précise-t-on de même source.

Interrogé par l'AFP, M. Lauret a expliqué avoir reconnu une partie des faits qu'on lui reprochait (s'être levé, avoir questionné les policiers et n'avoir pas immédiatement obéi à l'injonction de se rasseoir). "Je n'ai en revanche pas reconnu ce que je n'avais pas fait, c'est-à-dire avoir harangué les autres passagers et avoir été surexcité", a-t-il précisé.

"La procureure m'a dit alors: si vous ne reconnaissez pas tout, on arrête tout de suite", a rapporté M. Lauret, selon lequel elle se réserve la possibilité "de classer l'affaire ou de me renvoyer devant le tribunal correctionnel". De source judiciaire, on indique que l'affaire peut aussi être renvoyée en enquête ou faire l'objet d'une ouverture d'information judiciaire.

L'entrevue avec un procureur devant précéder les CRPC n'est, elle, jamais publique. Pour l'avocate de M. Lauret, Dominique Noguères, "ce dossier est compliqué, les avis divergent. Il n'était pas de l'ordre de la CRPC".

M. Lauret avait été débarqué le 16 décembre du vol Air France qui devait le mener à Kinshasa (RDCongo) pour participer à un colloque intitulé "culture du dialogue et passage des frontières" et placé plusieurs heures en garde à vue. Deux autres professeurs de philosophie avaient été interpellés à leur retour à Roissy le 22 décembre. Eux, n'ont à ce jour pas fait l'objet de convocation.

dimanche 1 mars 2009

Un dirigeant de RESF arrêté par la police

JDD société 01/03/2009

Un dirigeant de RESF arrêté par la police


Richard Moyon, l'un des dirigeants du Réseau Education Sans Frontières (RESF), a été interpellé, dimanche en début d'après-midi, alors qu'il tentait d'alerter les passagers d'un vol Paris-Casablanca sur les conditions d'expulsion d'un sans-papier "menotté, entravé et bâilloné". C'est le journal Libération qui relate l'incident, un journaliste de la rédaction ayant pu entendre ce qui s'est passé via le téléphone portable du militant. Arrêté avec un autre membre du réseau, pour "vérification d'identité", Richard Moyon et son camarade ont passé près d'une heure au poste de police de l'aéroport de Roissy, avant d'être relâchés. Les deux militants seront convoqués devant le tribunal de police pour "distribution de tracts dans un lieu public", d'après le procès-verbal qui leur a été remis. Selon RESF, c'est la première fois que les forces de l'ordre répondent de cette façon à l'action de militants qui ne faisaient qu'informer des passagers.


A l'école des sans papiers  01/03/09

Un sans papier calomnié et bientôt expulsé ?

Dimanche : 12h10

Richard Moyon, un des membres de RESF, vient d'être interpellé. Il est au poste de police 2F de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Il informait les passagers du volParis-Casablanca de 12h55 des conditions de l'expulsion de Ammar Amedjar: celui-ci serait entravé, menotté, bâillonné. Libération a entendu l'interpellation de ce responsable de Réseau Education sans frontières via le téléphone portable de l'intéressé.

Richard Moyon a été arrêté en vue d'une «vérification d'identité», en compagnie d'un autre membre de RESF. C'est la première fois, selon RESF, que la police répond ainsi à une information des passagers.

Les documents dont étaient porteurs les deux membres de RESF ont été confisqués. En échange, si l'on peut dire, la police leur a donné un texte, retraçant les différentes peines de prison et amende encourues en cas d'outrage, d'entrave à la circulation d'un aéronef et autres délits.

Richard Moyon vient de refuser de signer un procès-verbal, lui reprochant une«destruction de tracts» (sic).

A 13h, les deux membres de RESF ont été libérés. Ils seront convoqués au tribunal de police pour «distribution de tracts dans un lieu public», selon le PV (corrigé) qui leur a été remis et qu'ils ont refusé de signer.

Mise à jour 15h30:

Ammar Amedjar a refusé d'embarquer et n'a donc pas été expulsé ce dimanche.