mercredi 4 mars 2009

La comparution de Pierre Lauret au Tribunal de Grande Instance de Bobigny, mercredi 4 mars, ou le « plaider coupable » version française.

Ce matin 4 mars, j’ai été entendu par une représentante du parquet de Bobigny dans le cadre d’une procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC). Je ne me suis pas reconnu coupable des faits qu’on m’imputait.   

Le 16 décembre dernier, lors de ma seconde audition par la police, j’avais reconnu avoir posé des questions aux policiers escortant des sans papiers expulsés et menottés ; n’avoir pas obéi immédiatement à l’ordre de regagner ma place ; et avoir insisté jusqu’à obtenir une réponse. J’avais nié avoir appelé les passagers à faire quoi que ce soit, considérant ceux-ci comme libres d’agir selon leur volonté face à la situation. Quand à mon débarquement musclé par la police, mon hypothèse est qu’il était motivé par la crainte que l’agitation ne reprenne dans l’avion, car des passagers commençaient à protester et à me défendre, alors que je rangeais mes affaires pour suivre les policiers.

Au terme de cette déposition, un officier de police judiciaire m’a délivré une convocation pour une CRPC, sans m’expliquer la nature de la procédure. J’ai donc signé en toute bonne foi cette convocation. Ce n’était peut-être pas une bonne idée. En effet, mon dossier contient désormais une plainte du commandant de bord prétendant que j’ai harangué les passagers pour les appeler à s’opposer à l’expulsion, et un rapport de la police qui donne une version un peu confuse de mon débarquement, justifiant l’emploi de la force.

J’ai découvert le 4 mars que la procédure de CRPC supposait comme préalable à toute discussion la reconnaissance des chefs d’inculpation (opposition à une mesure de reconduite frontière, et entrave à la circulation d’un aéronef), et du récit des faits par le commandant de bord et par la police. Cela, avant qu’une peine soit proposée. En somme, après avoir reconnu de bonne foi les actes que j’avais commis publiquement devant une cinquantaine de passagers, je me suis vu demander par la justice de reconnaître tout autre chose ! Et cela, sans la moindre possibilité de discussion, encore moins de citations de témoins. Sur mon insistance et celle de mon avocate Maître Dominique Noguères, la représentante du parquet a accepté d’ entendre ma contestation de certains des faits qui m’étaient reprochés, qui m’empêchait de reconnaître ma culpabilité dans la version qui m’était présentée.

  Au terme d’un entretien de cinq minutes, elle a déclaré qu’elle allait reprendre le dossier et lui donner la suite jugée opportune. A suivre, donc…

 

Morale de l’histoire : la CRPC est une procédure qui convient peut-être à des délits comme la conduite en état d’ivresse, mais absolument pas à des affaires un peu complexes, impliquant de nombreuses personnes, et entraînant des dépositions contradictoires. Elle ne ressemble pas au « plaider coupable » des films américains, qui au moins propose une alternative claire : reconnaître des faits en échange d’une réduction de peine, ou maintenir sa version des faits coûte que coûte. Enfin, pour avoir signé une déposition puis une simple convocation, je me suis retrouvé ensuite sommé de reconnaître ma culpabilité sur la base d’un rapport de police et de plaintes d’Air France dont je n’avais évidemment pas connaissance quand j’ai signé. Si l’affaire va en correctionnelle, le délai entre le procès et les faits sera accru, les témoins plus difficiles à mobiliser, les souvenirs moins exacts. 

A bon entendeur salut.

 

Pierre Lauret

 

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